L'employeur ayant rompu la période d'essai d'un salarié qu'il a débauché de son ancien poste sans lui laisser le temps de s'adapter à ses nouvelles fonctions commet un abus de droitSoc. 20 février 2013 -N° de pourvoi: 11-23695 : L’employeur ayant rompu la période d’essai d’un salarié qu’il a débauché de son ancien poste sans lui laisser le temps de s’adapter à ses nouvelles fonctions commet un abus de droit. La rupture de la période d’essai est libre, sauf s’il ressort des éléments soumis à l’appréciation des Juges qu’ un employeur  a fait preuve de légèreté et a commis un  abus de droit.

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

“Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 27 juin 2011) que M. X… a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 5 janvier 2009, par la société Gery manutention ; que par courrier en date du 29 janvier 2009, l’employeur lui a signifié la rupture de sa période d’essai ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale ;
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour abus du droit de mettre un terme à la période d’essai, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge a pour obligation première de ne pas dénaturer les documents de la cause ; de sorte qu’en décidant qu’il résultait de la lettre du 12 février 2009 que l’employeur était parfaitement informé de l’absence de compétence de Jean-Yves X… en matière d’exploitation de transport, bien que la lettre du 12 février 2009 insistait très clairement sur le fait que les compétences attendues de M. X… n’étaient pas des compétences “en matière d’exploitation de transport”, mais des compétences “de manager, de gestionnaire, d’encadrement d’une équipe de salariés, (de) relationnel clientèle”, compétences qui correspondaient au poste et que, selon la même lettre, Monsieur “n’apporterait pas” à la société Gery manutention location, la cour d’appel a dénaturé la lettre de la société Gery manutention du 12 février 2009, violant ainsi les dispositions de l’article 1134 du code civil ;
2°/ que la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de l’expérience acquise par le salarié avant son embauche ; de sorte qu’en considérant, en l’espèce, qu’il appartient à l’employeur, même en l’absence de contrat de formation, d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail pendant la période d’essai, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 1134 du code civil, L. 1221-20 et L. 1231-1 du code du travail ;
3°/ que l’exercice du droit de rompre discrétionnairement un contrat de travail en cours de période d’essai ne peut dégénérer en abus que si l’employeur utilise ce droit à des fins étrangères à l’évaluation des compétences du salarié, si les circonstances de la rupture révèlent l’intention de nuire de l’employeur ou s’il agit avec une légèreté blâmable ; de sorte qu’en décidant, en l’espèce, que la société Gery manutention location avait abusé du droit de rompre le contrat de travail pendant la période de préavis bien qu’il ressorte des constatations de l’arrêt que la rupture du contrat de travail de M. X… était exclusivement liée aux compétences et aux qualités de celui-ci, que la société Gery manutention location a considéré comme n’étant pas conformes aux compétences et qualités requises pour le poste, sans caractériser, par ailleurs, ni intention de nuire ni légèreté blâmable, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles 1134 du code civil, L. 1221-20 et L. 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu que si l’employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l’expiration de la période d’essai, ce n’est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus ;
Et attendu qu’ayant relevé que l’employeur avait subitement mis fin à la période d’essai du salarié, sans même lui donner la possibilité de s’adapter à son nouveau poste de travail, alors même que celui-ci avait, sur sa proposition, démissionné de son poste précédent, la cour d’appel, sans dénaturation des pièces de la cause, a pu déduire l’existence d’une légèreté blâmable de l’employeur ;
D’où, il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;