Décisions du CPH LE HAVRE section industrie RG F12/000142 à 206 ET RG F12/00229 à 231 et RG F12/000233 à 234 et RG F12/00248 : Le conseil de prud’hommes du Havre vient de condamner Renault pour n’avoir pas prévu dans le cadre du congé de reclassement des formations permettant aux salariés de retrouver un emploi. Une décision qui intervient dans un contexte délicat pour certains de ces salariés qui risquent de se retrouver sans revenus suite au report de l’âge de départ à la retraite.

Les 9 septembre et 3 octobre 2008, la société Renault soumet à son CCE un programme de plan d’ajustement des effectifs fondé sur le volontariat, appelé “PRV” (Plan Renault Volontariat). Des conventions de rupture amiable sont signées dans ce cadre. Le hic, c’est que la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 est venue modifier la donne. En décalant la date d’obtention d’une pension de retraite à taux plein, 91 salariés risquent de se retrouver sans aucuns revenus durant plusieurs mois car la durée d’indemnisation de Pôle emploi ne permettrait plus de faire la jonction avec la date de mise en retraite. Ces salariés ont saisi la justice afin d’obtenir la nullité de leurs conventions de rupture amiable.

 

1. Pas de défaut d’information de la part de Renault

Les salariés estiment que Renault aurait dû les avertir de ce risque. “Nous invoquions le dol et l’erreur sur l’obligation précontractuelle d’information qui pèse sur l’employeur pour les salariés qui avaient entre 58 et 59 ans au moment de la signature de la convention de rupture amiable. Nous estimions qu’en avril 2009, date où les conventions ont été signées, Renault ne pouvait pas ignorer les modifications législatives à venir”, explique Nicolas Capron, l’avocat des salariés. Sur ce point, les salariés sont déboutés. Le conseil de prud’hommes du Havre estime en effet que “rien n’autorise à dire que la société Renault s’est rendue coupable d’un dol en la circonstance, à savoir une manoeuvre dans le but de tromper les requérants et de provoquer chez eux une erreur”. Les juges refusent donc d’annuler les conventions de rupture amiable.

 2. Mais un congé de reclassement vidé de sa substance

En revanche, la demande des salariés aboutit sur le terrain du congé de reclassement. Les salariés estimaient que les formations qui leur avaient été proposées dans ce cadre n’étaient pas suffisamment sérieuses. Il leur avait été suggéré, à titre d’exemples, des stages de Photoshop, de permis mer côtier, de céramique ou bien encore de bricolage. Comment retrouver un emploi, avec de telles formations, s’interrogent les conseillers prud’hommes qui estiment que “le congé de reclassement a pratiquement été vidé de sa substance. Pour eux, “la société Renault a clairement mis en place un quasi régime de préretraite financé par le Pôle emploi”.

 Rappelons que dans les entreprises de 1 000 salariés et plus, l’employeur est tenu de proposer, à chaque salarié dont le licenciement économique est envisagé, le bénéfice du congé de reclassement. Celui-ci a pour objet de permettre aux salariés de bénéficier d’actions de formation et de prestations d’une cellule d’accompagnement des demandes de recherche d’emploi.

 Pour l’Avocat des salariés, “Renault a été condamné pour avoir détourné de sa finalité le congé de reclassement qui ne peut être une simple passerelle vers la retraite”. Conséquence : “Les salariés ont donc bien subi un préjudice du fait qu’ils n’ont pas un véritable dispositif de reclassement qui s’est doublé d’une réforme des retraite qui leur a créé un préjudice”, en concluent les juges.

 3. Indemnisation du préjudice moral et d’anxiété

Dans ce contexte – pas de véritable reclassement et une réforme des retraite qui vient balayer leurs prévisions – les salariés estiment subir un préjudice moral et d’anxiété dont ils demandent réparation. “Les salariés ont obtenu chacun 20 000 € de dommages-intérêt pour le préjudice moral et d’anxiété subi, lié au fait qu’ils sont restés 3 ans sans emploi et avec la crainte de rester sans ressources du fait du report de l’âge légal de la retraite, alors qu’ils demandaient à être raccrochés au plan GPEC”, se félicite Nicolas Capron. En effet, les salariés déploraient en outre qu’ils n’aient pas pu bénéficier des dispenses d’emploi en lien avec la pénibilité offertes par la convention GPEC signée après la réforme des retraites.

Décisions du CPH LE HAVRE section industrie RG F12/000142 à 206 ET RG F12/00229 à 231 et RG F12/000233 à 234 et RG F12/00248