Dans une étude présentée mercredi en avant-première à la CFDT et que nous nous sommes procurée, le Centre d’études de l’emploi (CEE) décortique une centaine de ruptures conventionnelles afin d’isoler les grandes pratiques des entreprises et connaître le point de vue des salariés.

La CFDT a demandé au Centre d’études pour l’emploi (CEE) de réaliser une étude sur la rupture conventionnelle telle que vécue par les salariés (*). Une centaine d’entretiens en face à face ont été réalisés auprès de salariés tirés dans un échantillon au hasard parmi les ruptures conventionnelles enregistrées en novembre 2010. L’objectif de l’étude est de mieux comprendre les circonstances qui entourent la conclusion d’une rupture conventionnelle.

1. qui prend l’initiative :  61% des ruptures conventionnelles à l’initiative de l’employeur

Comme le soulignent à juste titre les auteurs de l’étude, “même si la rupture conventionnelle est censée résulter d’un commun accord, le souhait de rupture émane de l’une des deux parties”. Dans 61% des cas, l’initiative en revient à l’employeur. Mais il faut toutefois distinguer le souhait de rompre le contrat de travail et l’initiative de la rupture conventionnelle. Parfois le salarié préfèrerait passer par la voie du licenciement mais l’employeur lui propose une rupture conventionnelle.

Parmi les ruptures conventionnelles, près de 40% seraient liées à un motif économique. “Les salariés parlent d’ailleurs clairement de licenciement caché ou déguisé”, rapportent les auteurs de l’étude. Un sixième des ruptures conventionnelle se rapproche davantage d’un licenciement pour motif personnel.

 2. Rompre à l’amiable pour des raisons professionnelles ou personnelles

Lorsque c’est le salarié qui est à l’initiative de la rupture conventionnelle, plusieurs raisons sont à l’origine d’une telle demande.

Certaines tiennent directement à l’emploi. Ainsi plus d’un quart des salariés interrogés a déclaré vouloir quitter son emploi parce qu’il n’offrait pas ou plus d’évolutions de carrière. Il peut aussi s’agir d’un désintérêt pour son activité ou d’une reconversion professionnelle. Dans un peu moins de la moitié des cas, ce sont les conditions de réalisation du travail qui sont en cause: problèmes relationnels, mise au placard, dégradation des conditions de travail…D’ailleurs lorsque le conflit est trop important, les deux parties tombent d’accord pour se séparer par cette voie.

Enfin, des raisons extraprofessionnelles amènent dans un quart des cas le salarié à solliciter une rupture conventionnelle : déménagement, contexte familial… Bien évidemment, c’est parfois la conjonction de plusieurs de ces facteurs qui motive le salarié.

3. Pourquoi l’employeur accepte la rupture conventionnelle

Du côté de l’employeur, l’étude s’est interrogée sur les raisons qui motivent l’employeur à accéder à la demande du salarié plutôt que d’attendre que ce dernier démissionne. Là encore, les justifications sont multiples : débloquer une situation conflictuelle ou soutenir un salarié dans son projet de reconversion professionnelle par exemple. Sans compter que la rupture conventionnelle, pour l’image de marque de l’employeur, a une connotation plus positive que le licenciement ou la démission.

4. Se prémunir contre les vices de consentement

Qui dit rupture conventionnelle, dit accord éclairé des deux parties. Dès lors que le salarié peut prouver que son consentement a été vicié, la validité de la rupture conventionnelle est sur la sellette. “Dans un certain nombre de cas nous avons observé un vice de consentement au sens ou la contrainte et la pression de l’employeur étaient si fortes qu’il ne s’agit pas d’un réel consentement mais d’une résignation”, notent les auteurs de l’étude. Dans d’autres cas, l’employeur se prémunit contre tout contentieux ultérieur sur ce terrain en demandant au salarié “de rédiger une lettre afin de motiver sa demande et ainsi de pouvoir en quelque sorte prouver la liberté du consentement”.

5. Seul un quart des salariés ont bénéficié de plusieurs entretiens

Dans un cas sur deux, un seul entretien a eu lieu. 25% des salariés ont en revanche pu bénéficier de deux, voire de trois entretiens. Les pratiques varient fortement selon la taille de l’entreprise. Les grandes entreprises ont plutôt tendance à organiser plusieurs entretiens tandis que les petites se contentent souvent de discussions informelles. Il faut tout de même souligner que dans moins d’un quart des cas, il n’y a pas eu d’entretien du tout.

Lorsque l’employeur organise plusieurs entrevues, le scenario est souvent identique. Le premier entretien vise à se mettre d’accord sur la rupture conventionnelle, le deuxième à négocier les modalités de rupture, notamment le montant de l’indemnité. Au cours du dernier, les parties signent la convention Cerfa.

Il est intéressant de noter que dans une part non négligeable des cas, les entretiens indiqués dans le document Cerfa sont reconstruit a posteriori.

6. Le formalisme

le document Cerfa est souvent pré-rempli lors de l’entretien, ce qui “annihile pour beaucoup la possibilité de négocier”, constatent les auteurs de l’étude Un peu moins d’un quart des salariés interrogés déclarent que le formulaire Cerfa a été antidaté a posteriori.

  7. L’assistance, une pratique peu répandue

Rien n’empêche le salarié de se faire assister lors de l’entretien. La pratique reste pourtant rare. Seul un dixième y a eu recours. A cela plusieurs raisons : le souhait de gérer seul son départ ou la crainte d’installer un climat de défiance voire de conflit par exemple. Cela n’empêche toutefois pas certains de demander conseil à des syndicats.

 8.Le montant de l’indemnité dépend du rapport de force

Le montant de l’indemnité fait souvent l’objet de négociations. Mais tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne, observe l’étude. Ce sont sans surprise les cadres qui obtiennent les indemnités les plus élevées. Mais d’autres facteurs placent les salariés en position de force : détenir un mandat, bien connaître le droit du travail ou bien encore recourir à un avocat, ce qui permet de décupler le ratio de l’indemnité. L’étude note à ce propos que seuls les salariés de la région parisienne ont eu recours aux services d’un avocat.

L’indemnité est aussi souvent plus élevée lorsque le climat est conflictuel. Il s’agit alors en quelque sorte d’une indemnité d’apaisement. Ou bien encore lorsque c’est l’employeur qui souhaite se séparer du salarié ou qu’au contraire il veut récompenser une bonne collaboration.

 S’agissant de la réalisation d’un éventuel préavis, l’étude ne fournit pas d’informations détaillées. Elle constate que si, en principe, le salarié doit travailler jusqu’à l’homologation ou la date de fin de contrat , dans les situations conflictuelles, il est souvent dispensé d’aller jusqu’à ce terme.

 9. conclusion

Au final, la rupture conventionnelle a plutôt bonne presse auprès des salariés. “La quasi-totalité des enquêtés émet un avis positif sur le dispositif”. La rupture conventionnelle est vue comme “la solution idéale” pour beaucoup, ou comme “la moins pire” pour les autres.

  (*) “Des ruptures conventionnelles vues par les salariés. Analyse d’un échantillon de 101 ruptures conventionnelles signées fin 2010”. Une étude réalisée par Raphaël Dalmasso, Bernard Gomel, Dominique Méda, Evelyne Serverin et Laétitia Sibaud.