Nouveauté et évolution de la JP sur la VIDEOSURVEILLANCE (Soc., 10 janvier 2012, n° 10-23.482 P) : Parmi les conditions permettant à une entreprise d’utiliser un système de vidéosurveillance aux fins de contrôler l’activité de son personnel, l’obligation d’information préalable fait régulièrement l’objet de précisions jurisprudentielles.

Ainsi, dans un arrêt du 10 janvier, la Cour de cassation envisage l’hypothèse où l’employeur se prévaut des caméras présentes au sein d’une entreprise cliente dans laquelle ses salariés sont mis à disposition. Pour les Hauts magistrats, de tels enregistrements sont inopposables aux salariés si ces derniers n’ont pas été préalablement informés d’une part, de l’existence d’un tel système et d’autre part, de sa finalité.

  • Caméra installée à l’initiative et au sein de l’entreprise cliente

Pour utiliser la vidéosurveillance afin de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, l’employeur doit respecter un certain nombre de conditions : la mesure doit être justifiée et proportionnée au but recherché (C. trav., art. L. 1121-1), elle doit donner lieu à une information des salariés et des représentants du personnel (C. trav., art. L. 1222-4 et L. 2323-32) et, le cas échéant, faire l’objet d’une déclaration à la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Dans l’affaire tranchée le 10 janvier, les formalités paraissaient allégées pour l’entreprise puisqu’elle n’était pas responsable du dispositif de surveillance dont elle entendait se prévaloir. Cette société de nettoyage faisait intervenir ses salariés auprès d’une entreprise cliente. Dans le cadre d’un litige en paiement de primes d’habillage nécessitant d’établir avec précision les heures d’arrivée et de départ des salariés, elle avait obtenu une ordonnance sur requête désignant un huissier aux fins de visionner les enregistrements des caméras de vidéo-surveillance placées à l’entrée de la société cliente. L’employeur d’origine avait informé ses salariés, par courrier recommandé, de l’existence de ce système de « supervision » des accès, leur demandant d’emprunter impérativement l’issue principale pour entrer et sortir. Il n’était cependant pas question dans ce courrier de surveiller par ce biais les heures de travail. Bien que prévenus de l’existence du dispositif, les salariés estimaient que les enregistrements leur étaient inopposables puisque l’information reçue n’évoquait pas une utilisation possible aux fins de contrôler leur activité. L’affaire a été portée devant la Cour de cassation qui devait trancher les deux questions suivantes :

  •   L’obligation légale d’informer les salariés concerne-t-elle les caméras mises en place sur un site extérieur d’intervention et à la seule initiative de l’entreprise cliente ?

 

  • Si l’information est considérée comme obligatoire, doit-elle expressément mentionner que le dispositif mis en place peut servir à surveiller l’activité du personnel intervenant, notamment les heures d’entrée et de sortie ?

 

  1. Obligation d’informer à la charge de l’employeur d’origine

La Haute juridiction impose à l’employeur, sous peine d’inopposabilité des enregistrements recueillis, d’informer ses salariés de l’existence du système de surveillance installé chez un client dès lors qu’il permet de contrôler leur activité. L’arrêt retient ainsi que « si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéo-surveillance installé sur le site d’une société cliente permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n’ont pas été préalablement informés de l’existence ».

 Cette précision est inédite, la Cour de cassation n’ayant jamais été amenée jusqu’à maintenant, à trancher cette question. En avril 2005, un arrêt avait précisé que l’employeur « n’est pas tenu de divulguer l’existence des procédés installés par les clients de l’entreprise », mais cette décision concernait des caméras mises en place dans des locaux non affectés au travail et au personnel, pour lesquels il est admis que l’obligation d’information n’a pas lieu d’être (Cass. soc., 19 avril 2005, n° 02-46.295).

 L’obligation d’information est donc applicable quels que soient le lieu de travail et le responsable du dispositif.

2. Information expresse sur les utilisations possibles du dispositif

La Cour de cassation a estimé que le courrier recommandé envoyé par l’employeur à ses salariés, les informant de la présence de caméras chez le client, était insuffisant pour permettre d’exploiter les enregistrements à des fins de preuve des horaires. L’arrêt relève en effet que « la lettre […] n’informait pas les salariés de l’existence d’un dispositif de vidéo-surveillance qui permettait de contrôler leurs heures d’arrivée et de départ sur le lieu du travail ».

Il n’est donc pas suffisant d’informer de l’existence de caméras, il faut préciser expressément que celles-ci pourront être utilisées pour contrôler l’activité professionnelle, notamment les horaires.

 Une information insuffisante rend les enregistrements inutilisables à cette fin, même s’ils s’avèrent accablants pour certains salariés.

 La Cour de cassation se montre sur ce point plus exigeante qu’elle ne l’a été dans de précédentes décisions, où elle a par exemple admis qu’un dispositif mis en place dans un casino, conformément aux prescriptions réglementaires en la matière (pour assurer la sécurité des personnes et des biens), puisse servir à établir des irrégularités dans la tenue d’une caisse (Cass. soc., 2 février 2011, n° 10-14.263 F-D, Bref social n° 15793 du 11 février 2011). Dans cette affaire, la Cour a validé l’utilisation des enregistrements dès lors que le personnel avait été avisé de la présence des caméras.

 Ainsi, en matière de contrôle des horaires, les entreprises ont désormais intérêt à vérifier que l’information donnée évoquait bien une utilisation possible du système à cette fin.

 (Soc., 10 janvier 2012, n° 10-23.482 P)